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Jour 8: Manang (3540m)
Pause aujourd’hui. Même si on avait voulu partir, nous n’aurions de toutes les façons pas pu. Nicolas a été malade toute la nuit. Déshydratation et Yak Burger n’ont pas fait bon ménage. Jenni est patraque. Et nous sommes tous bien claqués. Nous attendons que Flopa et Manuel que nous avions laissés à Chame nous rejoignent. Il arriveront en début d’après-midi pour notre plus grand plaisir.
Nous passons la journée à gérer des contingences de randonneurs: laver le linge (dans notre groupe, certains T-shirt n’ont pas vu un savon depuis Mathusalem), faire quelques courses (le PQ va bientôt manquer), écrire des articles, regarder les montagnes et manger des gâteaux.
A propos de boustifaille, peut-être vous posez vous la question de savoir ce qu’on mange dans les auberges du circuit des Annapurnas. Les établissements dans lesquels nous nous arrêtons proposent à peu près tous la même chose. Le menu est étonnamment long mais à bien y regarder, il propose souvent des variantes de plat généraux. A la carte, on retrouve le plat national, le Dal Bat, puis des plats à base de riz ou de nouilles frites qui se déclinent en multiples variantes: aux oeufs, aux légumes, au thon et le tout mixé ensemble (là, ça douille). Même principe pour les plats à base de patates: elles peuvent être sautées, en purée, sous forme de rösti suisse (notre préféré) ou tout simplement des frites. On retrouve aussi les fameux momos qu’on adore mais dont le prix enfle méchamment en prenant de l’altitude.
Au dessert, on peut commander absolument partout du riz au lait et au clou de girofle (pas terrible) ou au chocolat, des gâteaux aux pommes (résultat variable) et, une innovation du coin, le “Snickers roll” ou le “Mars roll”, un Snickers ou un Mars enroulé dans de la pâte brisée et passé au four ou frit. Les plats sont généralement généreux. Manquent à l’appel les légumes verts (à part le chou) et les fruits qui ne poussent pas en altitude et donc chèrement transportés à dos d’homme.
Pour le petit-déjeuner, on a du muesli (servi avec du lait chaud !), du porridge, des toasts, du pain tibétain, des oeufs sous toutes les formes possibles ou des pancakes. Côté boisson, on peut commander du thé massala (un délicieux thé au lait épicé) du thé gingembre-citron-miel, (une merveille !!!), du jus de citron chaud, du thé à la menthe, thé noir ou café (soluble). On peut aussi commander de la bière répondant au nom d’Everest (si si) ou le raski traduit en anglais par vin local mais qui ressemble plus à une mauvaise eau de vie de prune diluée.
Voilà pour le menu que nous découvrons à chaque fois avec plaisir, d’une part parce qu’on a la dalle après 5 heures de marche à plus de 3000m, d’autre part pour les tentatives de traduction et l’orthographe hilarantes des cartes.
Jour 9: Manang (3540m)
Randonnée d’une journée jusqu’au Ice Lake pour Inge, Björn et Flopa. Nous décidons de nous reposer. Programme allégé donc. Nous montons tout de même jusqu’au point de vue sur la vallée, la ville de Manang et surtout les magnifiques Annapurna III, IV et le Gangapurna. Une trotte de deux heures aller-retour question de ne pas perdre la forme.
En revenant, Nicolas aperçoit une escadrille de vautours qui tournent autour du stupa situé sur les hauteurs de Manang. Il décide d’aller faire un tour avec ses objectifs. Là-haut, une quinzaine de vautours s’acharnent sur le cadavre d’une chèvre. On peut les approcher de très près. En groupe, il n’ont pas peur…ce qui est un peu flippant quand on voit la taille des animaux et en voyant ce qu’il peuvent faire d’un pauvre caprin à l’agonie.
Nicolas prend des clichés de leurs rondes dans le ciel…
…de leurs atterrissages…
…de leur séance d’équarrissage, de leurs disputes pour s’octroyer les meilleurs morceaux.
Des plumes volent, d’ailleurs. On en ramasse deux d’une taille impressionnante. Quand on les agite, on se sent presque voler. La portance est incroyable !
Pas étonnant qu’ils glissent dans le ciel. On aime bien les regarder quand ils atterrissent et découvrent leurs gambettes recouvertes de plumes blanches: on dirait qu’ils portent une culotte bouffante.
Le cadavre de chèvre nettoyé, ils partent de l’autre côté du stupa. Là, une autre chèvre attend son heure. Couchée, elle envois des coups de corne aux rapaces qui s’approchent trop. Mais ils attendent. Ils savent que la bête est malade et que bientôt viendra leur tour.
Après le diner, nous passons la soirée à jouer aux cartes avec sur les genoux, le chaton de la maison, qui quand la séance caresse se termine, va s’installer comme un bienheureux juste en dessous du poêle.
Jour 10: de Manang (3540m) à Ledhar (4200m)
Nous reprenons la route. Nous laissons derrière nous Manuel et Flopa. Manuel a étudié toute la soirée le prospectus d’information sur le mal aigu des montagnes et croit reconnaitre dans sa douleur à la poitrine un des symptômes. Il souhaite prendre son temps avant d’aller plus loin. Nous leur faisons nos adieux.
Avant de partir, nous prenons de l’eau à la Safe Drinking Water Station de Manang. A intervalles réguliers sur le circuit des Annapurnas ont été installées des bornes de distributions d’eau purifiée. Une initiative qui date de quelques années et qui permet aux trekkers et aux locaux de s’approvisionner en eau potable contre quelques dizaines de roupies. Ces stations représentent une alternative à l’achat de bouteilles d’eau en plastique. L’autre option est d’utiliser des pilules purificatrices pour éliminer les bactéries.
La gestion de l’eau et des déchets: une grosse problématique pour le Népal. Partout autour de nous, il y a des déchets, en particulier le long des chemins, sur les berges des rivières et dans le lit des torrents. Manuel nous a apporté quelques explications hier. Il a filmé une scène irréaliste pour nous, Européens. Huit femmes transportant des hottes pleines de déchets empruntent un pont surplombant une rivière. Arrivées au milieu du pont, elles vident le contenu de leurs hottes dans les flots. Le choc. C’est le seul système de management des déchets existant au Népal. Les guides des agences essayent de rassurer les touristes en leur expliquant que le plastique des bouteilles d’eau, par exemple, est recyclé. Balivernes. Quand on demande des détails, les guides changent brusquement de sujet. Inge, qui a vécu quelques semaines dans une famille népalaise met de l’eau à notre moulin. On lui a expliqué que lorsque la saison des pluies arrivent, les déchets sont emportés dans les rivières qui les charrient jusqu’en Inde. Problème réglé !
Aujourd’hui, nous quittons Manang et la vallée sous le soleil. Nous montons progressivement à Ledhar. Le temps se détériore. Nous arrivons juste avant la neige à une des deux seules auberges du lieu-dit.
Jour 11: de Ledhar (4200m) à High Camp (4850m).
Aujourd’hui, c’est l’anniversaire de Björn. Au petit-déjeuner, Inge lui a préparé des bougies et des bonbons. Nous lui offrons un drapeau de prières pour qu’il puisse l’accrocher au col.
Nous partons sur notre avant-dernière étape avant le col de Thorong La. Le soleil est radieux. Nous peinons de plus en plus avec la raréfaction de l’air.
Nous apercevons nos premiers blue sheeps. Mise à part les vautours, ce sont les premiers animaux sauvages que nous voyons dans les montagnes himalayennes. La femelle ressemble à un chamois, le mâle avec ses cornes rappelle plus le bouquetin. Ils se déplacent en troupeaux de 6–7 individus et ajoutent un peu au danger de l’endroit en faisant glisser des pierres sur leur passage… Ils doivent bien se poiler en nous voyant avancer si lentement et si gauchement.
Certaines sections du chemin sont dangereuses, car les flancs de la montagne sont instables. Les glissements de terrains sont fréquents et les pierres continuent de tomber. Un anglais nous raconte qu’un bloc de deux mètres a atterri juste devant lui la veille. Nous devons maintenir une distance de sécurité entre nous pour ne pas nous faire tous emporter dans le cas d’un éboulement.
Arrivé à Thorong Pedhi, nous faisons une pause. Le plus dur nous attend avec une ascension très raide de 500m jusqu’à High Camp. Depuis ce matin, Björn semble un peu désorienté. Il oublie de payer l’auberge (le type lui court après sur plusieurs centaines de mètres pour réclamer son dû), Jenni doit lui ranger ses affaires à plusieurs reprises… La montée est très dure pour lui. Mal des montagnes. Nous grimpons doucement et péniblement. Nous dépassons… l’altitude du Mont Blanc. Et arrivons enfin à High Camp, la dernière station habitée avant le col.
L’ascension n’a pas été facile pour moi non plus. Arrivée en haut, mon crâne est sur le point d’exploser. Malgré le beau soleil dehors, je pars me coucher.
Je me réveille trois heures plus tard. Les nuages ont bouché l’horizon. Les paysages sont d’un coup plus sinistres. Le mal de tête s’est apaisé sans pour autant avoir disparu. Espérons que ça s’arrange avant demain.
Jour 12: de High Camp (4850m) à Muktinath 3800m)
Le jour de gloire est arrivé. Ou plutôt le moment de vérité. 600m d’ascension dans la neige nous attendent jusqu’au col de Thorong La.
A en croire les petites crottes rondes que l’on trouve dans nos écuelles en plastiques, nous n’étions pas seuls dans la chambre cette nuit. Inge qui a voulu rester discrète sur le sujet, m’annonce qu’elle a vu le responsable: un rat sans queue qui se cache sous son lit. Nous petit-déjeunons d’un pancake aux pommes à 5h30 et attaquons la montée vers 6h30.
Nous ne sommes pas les premiers. Les lampes frontales défilent devant nos fenêtres depuis 4h00 du matin. Ceux-là viennent de Thorong Phedi, 500m plus bas. Nous nous sommes épargné cette peine en montant hier jusqu’ici.
Le soleil se lève alors que nous commençons à marcher. Les sommets s’allument un à un. Nous montons péniblement. Economisons chaque parole ou geste inutile. Nous faisons souvent des pauses. Nous ne disposons que de 50% du niveau d’oxygène auquel nous sommes habitués. Le col se fait désirer. A chaque petite colline, nous avons l’impression qu’il sera derrière. Mais non. Il faut continuer. Certains marcheurs ont recruté des porteurs pour la journée. Débarrassés de leur sac, ils avancent plus vite…
Le col arrive enfin. Nous sommes à 5416m, le point le plus haut du trek. La carte mentionne que le col de Thorong La est le plus large au monde. Au sommet, contre toute attente, une petite hutte en pierre propose snack, boissons chaudes ou fraiches. Imaginez-vous une baraque à frites sur le Mont Blanc. Il parait même qu’on peut commander un Dal Bat…il faut juste attendre une bonne heure avant d’être servi. Une plaque indique que nous sommes bien à 5416m. Tout le monde se fait prendre en photo avec force déploiement de drapeaux (vidéo):
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Les Ukrainiens qui nous ont offert du chocolat hier soir ne sont pas en reste. Vu la crise politique que traverse leur pays, nous comprenons leur geste. Nous nous faisons prendre en photos avec Inge, Jenni et Björn. Hasard du calendrier, aujourd’hui, nous fêtons nos quatre ans de mariage civil ! “Vous pouvez embrasser la mariée !”… à 5416m. Il y a pire comme endroit !
Au col de Thorong La, des centaines de drapeaux de prières tibétains ont été accrochés. Nous fixons les nôtres en faisant un voeu. Parmi les drapeaux, nous détectons des drapeaux bavarois ! Nous déposons aussi une pierre que nous transportons depuis Besisahar. Tradition andine. La pierre représente le poids des péchés. La déposer au col, c’est un offrande aux dieux et une manière d’alléger sa conscience…et son sac.
Nous laissons aussi au col les deux immenses plumes de vautour que nous avons ramasser à Manang. On ne voit pas de meilleur endroit où les laisser. Nous sommes de surcroit dans une zone protégée et ne souhaitons pas avoir de problème avec les rangers en sortant du parc des Annapurnas.
Nous repérons des Français qui arrivent. Ils sortent de leur sac… une petite bouteille de véritable Moet et Chandon. La pure classe ! Nous les laissons profiter des bulles dans les hauteurs et amorçons notre descente. Cela fait une demi-heure que nous sommes au col et la ville de Muktinath est 1700m plus bas. En passant le col, nous changeons de vallée et de paysage.
La descente est horrible. Pour les genoux, pour le crâne, pour le dos. Elle dure plus de quatre heures. Nous roulons sur les cailloux, glissons sur la neige, nous rattrapons in extremis. Nous arrivons complètement cuits dans une auberge où nous attendent nos amis. Petite collation. Il nous reste une heure de marche pour Muktinah et il commence à neiger. Nous atteignons la ville blancs comme des bonshommes de neige.
Inge et Björn nous ont négocié des chambres au Rasta Hotel. Nous passons notre soirée en bonne compagnie à manger des pizzas et des frites, à boire des cocktails (c’est notre anniversaire quand même) et refaire le monde. Björn commande un “Rasta Tea”. On lui apporte une infusion à base de…feuilles de Marijuana. Décidément, son trek aura été placé sous le signe de la planante plante.
Jour 13: de Muktinath (3800m) à Johmson (2720m) et Tatopani (1200m)
Lever pas aux aurores aujourd’hui. Youhouuu ! Le paysage est encore enneigé. Nous avons une pensée pour ceux qui doivent passer le col aujourd’hui. Là-haut, il a bien dû neiger une trentaine de cm de poudre.
Nous faisons nos adieux à nos compagnons de route. Nos routes se séparent ici; ça fait bizarre de les quitter. Nous avons vécu ensemble une douzaine de jours. Notre plan est de prendre une jeep pour Johmson. Nous nous dirigeons vers la station de jeep avec Bernie, un Australien qui veut rejoindre comme nous le camp de base de l’Annapurna et Björn qui veut rallier le plus vite possible Pokhara. Le responsable de la vente des tickets nous prend immédiatement en grippe. Le gars nous annonce 700 roupies. Les autres trekkers et hôteliers nous ont plutôt parlé de 300 roupies. Nous essayons de négocier. Il nous explique que le prix est fixe. information invérifiable. Aucun écriteau ne le prouve. On sent l’arnaque. Les jeeps partent peu à peu. Il refuse définitivement de nous vendre des tickets après avoir mal pris une réflexion de Bernie. Nous demandons de l’aide à la police qui semble avoir peur du gars. Nous avons certainement à faire au caïd du coin, le chefaillon qui racontera à tout le village comment il a réussit à emmerder de stupides touristes…qui voulaient l’empêcher de s’arroger une bonne grosse plus-value sur les places de jeep. Changement de vallée, changement d’ambiance. Première déception sur les Népalais.
Nous décidons de partir à pied, afin d’éviter une implication plus importante de la police, jamais souhaitable dans ces pays-là. Le soleil est radieux, le paysage exclusivement minéral est splendide. Nous dominons l’immense lit de la rivière. Le vent se lève. Nous descendons dans la vallée pour évoluer directement dans la rivière à sec. Pas loin, une dizaine de vautours équarrissent un cadavre de cheval.
Nous atteignons enfin Johmson, achetons des billets pour Ghasa et sautons dans le bus. Quatre heures de trampoline, de rebondissements en bord de précipices sur la route complètement défoncée. Nous sommes retardés par un glissement de terrain. Une pelleteuse déblaye le chemin pour que les vélos, voitures et bus puissent continuer leur route. Ca arrive souvent ici…et encore, nous ne sommes pas à la saison des pluies.
Arrivés à Ghasa, nous nous apercevons malheureusement bien trop tard qu’un de mes bâtons de marche est littéralement passé par la fenêtre du bus. Le système de fermeture de la vitre a sauté sur un cahot et le bâton a été éjecté dehors. Désolation. Ca a l’air de rien, mais nos bâtons, on y tient énormément. Ils nous ont fidèlement accompagnés sur de magnifiques chemins depuis la Corse jusqu’au Népal en passant par les Alpes, les Andes, l’Australie et la Patagonie. Et nous nous faisions justement la réflexion qu’ils tenaient bien. Pas de signe de faiblesse. Par ailleurs, nous sommes limités dans notre paquetage et voyageons avec relativement peu de chose. Les affaires qui nous accompagnent ont été judicieusement sélectionnées. Chaque perte est, par conséquent, une petite catastrophe.
Nous enchainons sur deux heures de route dans une jeep mutualisée pour rejoindre Tatopani. Nous arrivons exténués et le moral en berne à l’auberge.
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