Nous nous rendons à Pokhara, porte d’entrée de quelques-uns des treks les plus populaires du Népal, comme celui qui mène au camp de base du Manasulu (8158m), le circuit des Annapurnas ou le camp de base de l’Annapurna I (8091m), sommet vaincu pour la première fois par les Français Maurice Herzog et Louis Lachenal. Cocorico !

Pour aller à Pokhara, nous prenons un bus haut de gamme, c’est à dire climatisé, avec une pause repas et surtout… avec un vrai chauffeur. Nous roulons pendant sept heures sur les routes népalaises. Sur notre chemin, nous verrons deux camions accidentés… et c’est sans doute un jour béni des dieux au regard des comportements de conduite des népalais. Dépassements intempestifs par tous les côtés, méchantes queues de poisson, freinage au dernier moment, insertions périlleuses des camions Tata ou de mobs surchargées sur des routes malmenées par le gel, les glissements de terrain et le manque d’entretien. Notre chauffeur, lui, n’est pas un chauffard. Il roule relax en anticipant les comportements dangereux de ses compatriotes. Nous arrivons sains et saufs à Pokhara.

Népal Pokhara 004

Nous effectuons les formalités pour pouvoir partir en trek: obtention du permis de trek, règlement des frais d’entrée dans le parc protégé des Annapurnas, achats divers…

Notre objectif est de réaliser la boucle complète autour de la chaine des Annapurnas et de rejoindre le camp de base de l’Annapurna I, le sommet le plus élevé de ce massif montagneux. C’est l’un des 14 sommets qui dépassent les 8000m, autant vous dire, une véritable célébrité.

Annapurnas Carte com

Au menu, 250km et 19400m de dénivelé positif à réaliser en un peu plus de trois semaines. Le point le plus élevé du trek, le fantasme des trekkers des Annapurnas, est le col de Thorong La à 5416m.

Profil complet HD com

Nous choisissons de partir sans agence, sans guide, sans porteur. Nous évitons ainsi une grosse dépense (1000 € par personne pour un trek en groupe). Et surtout, nous pouvons organiser nos étapes en toute liberté, c’est-à-dire s’arrêter quand on veut, prendre nos repas quand ça nous chante, et choisir seuls nos auberges pour la nuit. Et aussi, nous n’aurons pas le sentiment désagréable d’exploiter un porteur qui se bousillera le dos pour nous.

Nous nous sommes bien sûr renseignés avant de nous lancer. Le circuit des Annapurnas est facilement réalisable en autonomie: les chemins sont très fréquentés et bien balisés. Il y a des auberges disséminées sur le parcours, environ toutes les 3 heures de marche. Elles proposent chambres, douches (plus ou moins) chaudes et repas. Le niveau de difficulté du trek est moyen (pas de véritable étape techniques). Le plus gros problème est le mal d’altitude. Ca peut arriver à tout le monde indépendamment de l’âge, du niveau de forme ou d’entrainement. Chacun a une limite d’altitude inscrite dans ses gènes, au delà de laquelle il risque l’œdème pulmonaire ou cérébral. Notre aventure du Huayna Potosi nous rassure: a priori, nous pouvons monter jusqu’à 6088m sans problème. Enfin, nous comptons sur la haute fréquentation du circuit des Annapurnas pour avoir un peu de compagnie sur les chemins.

Circuit des Annapurnas

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Jour 1: de Besisahar (820m) à Bhulbule (840m)

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Le trek des Annapurnas commence à Besisahar, un village de montagne situé à 5 heures de bus de Pokhara. Lever aux aurores. Nous prenons un bus local: il roulait sans doute déjà au temps d’Erode et il n’a apparemment pas été nettoyé depuis. Le pare-brise est décoré de petits drapeaux multicolores et de porte-bonheurs pour booster nos chances d’arriver entiers à destination. Et surtout, il est lent car il s’arrête pour prendre tout ce qui se présente sur le bas-côté. Nous faisons des stops dans des lieux-dits et aussi des non-lieux pour embarquer hommes, femmes, écoliers, poules, coqs et même une chèvre. Si la porte avait été assez grande, je suis persuadée qu’on aurait dû faire de la place pour une vache et son veau…

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Je me remets doucement d’une infection intestinale en dormant. Nicolas en profite pour faire connaissance avec les quatre touristes du bus:

  • Inge, une Hollandaise qui achève un voyage de 20 mois en Océanie et en Asie
  • Björn, un Hollandais qui commence un périple de 4 mois en Inde et Asie du sud-est. Björn et Inge ont fait connaissance il y a quelques jours à Pokhara
  • Flopa et Manuel, un couple d’Argentins. Lui vient de Cordoba, elle vient de Patagonie. Ils voyagent depuis une bonne année et ont travaillé pràs de 11 mois en Nouvelle-Zélande. Le courant passe tout de suite
  • Au point de contrôle de Besisahar, Jenni, une Allemande, vient se joindre à nous. Jenni a aussi une solide expérience de baroudeuse. Elle ne se déplace jamais sans son frisbee, “the love of her life”, comme elle dit.

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Voilà notre groupe constitué. Ca rassure tout de même de partir à plusieurs surtout quand on voit les affiches présentant les personnes recherchées. Deux Allemands qui voyageaient seuls ont disparu à quelques mois d’intervalle en redescendant dans la vallée, après avoir été apparemment touchés par le mal des montagnes.

Nous commençons notre marche. Trois heures sur une piste le long de la rivière. Nous traversons nos premiers villages. Les maisons sont construites en bois. Les auberges plus aguicheuses affichent des couleurs vives: rose, violet, bleu ciel. Certaine ressemblent à de vraies bonbonnière. D’autres, à de petits chalets de montagne.

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Nous nous arrêtons en début de soirée dans le village de Bhulbule. De part et d’autre du torrent, des auberges proposent leurs services aux trekkers. Nous négocions un package chambre + diner au Dal Bat (le plat traditionnel à base de riz et de lentilles) + petit-déjeuner à 500 roupies (environ 4 €).

Nous découvrons ce qui sera le modèle de logement pour les trois prochaines semaines. Une petite chambre non chauffée et mal isolée avec deux lits individuels, éclairée par une ampoule électrique. Confort spartiate mais on y dort bien, épuisés par la marche de la journée. La douche chaude nous réconcilie avec la vie. Diner convivial, et au lit…

Photos du jour.

Jour 2: de Bhulbule (840m) à Ghermu (1130m)

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Le lendemain, nous traversons notre premier grand pont suspendu métallique pour rejoindre la berge opposée.

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Dans le village de Bhulbule, de la Marie-Jeanne pousse gaiement entre les pierres des murs et dans les interstices du dallage. Björn qui vient d’Amsterdam est aux anges ! Nous constaterons par la suite que la Marijuana pousse partout ici, comme les orties (qui soit dit en passant sont absolument terrifiantes).

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Nous remarquons au fil de notre marche qu’il y a des chantiers partout. Ici, on élargit la route, là on construit un pont. Les villages sont peu à peu désenclavés, la logistique améliorée, l’accès aux soins médicaux facilité. Le second effet kiss-cool, c’est que le trek qui mène au col de Thorong La sera bientôt accessible en trois jours contre une douzaine de jours de marche actuellement. Les trekkers qui s’arrêtent pour prendre un repas, acheter une boisson rafraichissante ou passer une nuit dans les auberges ne s’arrêteront plus. Ils passeront leur chemin, emportés par des jeeps jusqu’à Manang, terminus avant d’attaquer les sentiers pentus jusqu’au col. Dilemne dans les hauteurs. Les villages tirent l’essentiel de leurs revenus du touriste randonneur. Mais on ne peut pas arrêter le progrès… surtout dans un pays qui en a tellement besoin.

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Nous traversons des villages perchés dans des lieux improbables. Ils sont tous entourés de cultures en terrasses. Nous sommes fin mars: les champs attendent la pluie. Les fermiers en profitent pour pratiquer l’écobuage afin de renouveler les sols. D’autres labourent avec un araire tiré par des boeufs. Vision médiévale. En même temps, dans des champs si petits et si informes, le tracteur trouverait difficilement sa place. Des meules de foin fixées autour d’un mat en bois ponctuent le paysage.

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En fin de journée, nous sommes surpris par un orage et nous réfugions sur le balcon d’une maison de villageois. Ils nous accueillent en souriant. Nous encombrons l’abri pendant trois quarts d’heure propices aux échanges. Nous montrons au chef de famille nos pays de provenance sur notre mini-mappemonde. Inge et Jenni jouent avec les petites filles de la maison.

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Nicolas discute Amérique Latine avec Manuel. Je prête mon appareil photo (déjà complètement bousillé) aux gamines. Elles effectuent maladroitement leurs premiers clichés.

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Avant de partir, nous laissons quelques petites offrandes à la famille pour la remercier de son gentil accueil.

Nous trouvons une sympathique auberge pour la nuit.

Photos du jour.

Jour 3: de Ghermu (1130m) à Tal (1700m)

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Les étapes de randonnée des premiers jours consistent à remonter doucement la vallée en suivant la rivière. Nous nous élevons en moyenne de 400 à 600m par jour. Nous partons chaque jour à 8h30 après avoir pris un solide petit-déjeuner.

Cette journée se place assez rapidement sous le signe de la chèvre et du boeuf. A la sortie de Ghermu, nous sommes bloqués par un troupeau de chèvres. Le troupeau bêlant est regroupé par des bergers pour traverser un immense pont suspendu. Alors, évidemment, il y a toujours des récalcitrantes. Les chevreaux, en particulier, font tout ce qu’ils peuvent pour échapper à l’épreuve. Ca court dans tous les sens, ça essaye de trouver un autre chemin pour retrouver les copines qui ont déjà atteint l’autre rive. Les bergers se lancent à leur poursuite, les attrapent et les posent sur le pont. Finalement, les retardataires finissent par traverser et nous par les suivre.

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Nous montons le long des lacets de la route. Ca grimpe dur. Nous faisons une pause pour attendre Manuel et Flopa qui ont fait quelques digressions dans les champs, bien verts, de cannabis. La plante est facile à repérer dans ces paysages secs. Inge en profite pour poser son sac… trop près du précipice. Le sac-à-dos dégringole sur quelques dizaines de mètres…avant de s’arrêter. Grosse frayeur. On arrive à récupérer le bagage sans trop de difficultés. Inge a eu de la chance.

L’ après-midi, rebelotte. Nous nous retrouvons bloqués pendant une bonne heure dans un troupeau de vaches. Une centaines de bêtes qui montent dans les pâturages d’altitude. Même si les vaches sont plus petites qu’en Europe, chaque dépassement est périlleux sur ce chemin très étroit en bord de précipice. Il faut toujours marcher côté montagne pour ne pas risquer de se faire projeter par un coup de rein ou de cornes dans les flots furieux, plusieurs centaines de mètres plus bas. Patiemment, nous doublons les vaches. Certaines se laissent caresser, les petits veaux plus méfiants se rapprochent de leur maman à notre venue. Ils en profitent pour prendre une petite collation. Il y a aussi les futures mamans, qui attirent l’attention bienveillante des bergers. Elles sont plus lentes. Certaines prennent des pauses et s’allongent au milieu de la route. Les bergers sont patients: ils les laissent se reposer et aident leur progressions en les poussant, la main sur la croupe, dans les passages difficiles.

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Le village de Tal nous fait l’effet d’une apparition. A la suite d’une montée interminable derrière un homme et une femme portant chacun dans une hotte en osier d’immenses gerbes d’herbe pour leur troupeau, la vue se dégage soudainement.

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Le lit de la rivière s’élargit à cet endroit. Le village se situe dans un méandre. Après la vallée encaissée des derniers jours, ça fait du bien de pouvoir porter son regard un peu plus loin. A l’entrée du village, nous dépassons un ultime troupeau de chèvres et de chevreaux sautillants.

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Photos du jour.

Jour 4: de Tal (1700m) à Danakyu (2300m)

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Nous quittons Tal dans la belle lumière du matin. L’étape de la journée consiste à marcher sur la piste en passant alternativement d’un côté de la rivière à l’autre. On passe sur des ponts suspendus de plusieurs dizaines de mètres de long. La construction est solidement accrochée à la montagne par des câbles. Les grillages latéraux qui montent jusqu’au torse empêchent toute chute. Les lattes de métal sont en bon état et très peu espacées. Pas moyen de tomber. Du coup, pour la plupart d’entre nous, passer sur les ponts est un jeu.

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Un peu de balançoire au-dessus du torrent. Mais pour Nicolas qui a le vertige, c’est une véritable torture. Il est terrorisé, mais il prend sur lui. Tous les jours, pont après pont, il essaye de comprendre la nature de sa peur. Il prend ça comme une thérapie. Et ça marche. De jour en jour les traversées sont plus faciles.

Nous effectuons une halte obligée à Dharapani. La police effectue, pour la troisième fois depuis le début du trek, le contrôle des permis de trek et du droit d’entrée dans le parc. Dans l’office, on peut lire des statistiques sur la fréquentation du trek des Annapurnas. Ils y a deux fenêtres pour effectuer ce trek: au printemps en mars-avril et en automne, en octobre et novembre. Le trek est plus fréquenté en automne qu’au printemps. Nicolas jette un oeil sur la fréquentation par origine. En 2013, le top 3 des nationalités représentées sur le circuit des Annapurnas était: les Israéliens avec 2900 שואב (décidément, on les trouve sur tous les treks du monde), les Français avec 2800 randonneurs (la classe !) et nos voisins germains avec 2100 Wanderer.

Nous continuons notre route, passons par d’autres villages et rencontrons malheureusement partout la même réaction des enfants. Ils nous croisent toujours en nous sortant leur plus bel anglais: Namasté, pen, pen, pen, sweets, sweets, chocolate !!!. Pour eux, nous sommes des… vaches à lait, des distributeurs gratuits de stylos, de sucreries. C’est un des effets secondaires du tourisme. Les brochures distribuées par les rangers du parc précisent bien qu’il ne faut pas encourager la mendicité, surtout chez les enfants qui considèrent, avec le temps, qu’il est normal d’obtenir quelque chose sans contrepartie. Notre Guide du Routard précise que si on veut aider, il faut plutôt donner des fournitures aux maitres d’école. Cela peut paraitre cruel, mais en donnant à certains et pas à d’autres, on risque l’émeute dans le village. Sans compter, à long terme, des réactions agressives à l’encontre des touristes qui choisissent de ne pas donner.

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N’ayant pas vraiment réalisé qu’il y a avait régulièrement de quoi se ravitailler et ayant eu peur des prix en altitude, nous avons emporté de quoi préparer un déjeuner pour les 3 semaines du trek. Des nouilles chinoises et des soupes instantanées. Nous l’avons beaucoup regretté les premiers jours du trek à cause du poids des sacs (en plus de la bouffe, on porte un réchaud et 3 cartouches de gaz). Cependant, cette option nous donne plus de flexibilité, nous permet d’échapper aux menus bourratifs des auberges (nos amis peinent après le repas) et de gagner du temps sur les étapes. Alors, quand vient la pause déjeuner, nous cherchons une place à la sortie du village où nos amis se sont arrêtés. On s’éloigne des aubergistes histoire de ne pas les provoquer. Nous mangeons au milieu les pousses de Marie-Jeanne en bas d’un pont, ou sur des promontoires avec vue panoramique. Aujourd’hui, nous nous abritons du vent derrière un mur en pierre. A la fin du repas, nous recevons la visite d’un petit chiot tout mignon qui fait fondre Björn.

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Nous arrivons en début d’après-midi à Danakyu alors que le temps tourne au mauvais. Nous passons l’après-midi dans notre sac de couchage à rédiger nos carnets de route, actualiser nos blogs (nous transportons notre laptop) ou à discuter gastronomie argentine avec Manuel et Björn.

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Photos du jour.

Jour 5: de Danakyu (2300m) à Chame (2700m)

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Aujourd’hui, grosse question. On passe par le chemin du haut plus difficile mais qui propose les plus beaux panoramas ou celui du bas, plus facile mais moins impressionnant ? Pour nous, la question ne se poserait pas si nos sacs n’étaient pas si lourds. Aujourd’hui, nous tergiversons. En commençant à marcher, nous nous apercevons que le parcours de la vallée n’existe plus: glissement de terrain. Tout bouge tellement vite ici, que les cartes topographiques sont déjà obsolètes d’une saison à l’autre.

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On se lance sur le chemin du haut qui se révèle être effectivement intéressant. Chutes d’eau, superbes forêts, premiers 8000m qui sortent des nuages. Nous saluons le Manasulu. Nous sommes impatients de voir les Annapurnas. Pour le moment, la vue sur la chaine a constamment été bouchée par les falaises de la vallée encaissée.

Depuis le début du trek, nous marchons en groupe. Pas à la queue-leu-leu comme les groupes avec guide et porteurs. En bonne intelligence, nous respectons le rythme de chacun. Quand des chemins alternatifs se présentent, chacun va son chemin. Sans contrainte. Nous nous consultons juste le matin pour savoir dans quel village nous nous arrêterons pour la nuit. Globalement, nous marchons plus ou moins au même rythme. Nicolas et moi sommes souvent plus lents à cause de nos sacs, mais parfois plus rapides quand nos compagnons se sont gavés de Dal Bat lors de la pause déjeuner. Pendant la marche, on discute. Ca aide à oublier l’effort et le poids du sac. On prend des photos, on fait des pauses, on raconte des blagues.

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Aujourd’hui, une apparition sur un chemin nous permet de comprendre l’origine de l’expression “brouter la laine sur le dos”. Une vache, deux corbeaux. Le premier picore les pattes de la vache. Symbiose: tu me débarrasses de mes parasites, je te permets de te faire une ventrée d’insectes suceurs de sang. Corbeaux-vache : 1 partout. Le second corbeau profite du déparasitage pour arracher de grosses touffes de poils sur le dos de la vache. Il emporte son butin vers son nid. Pour sûr, les petits corbeaux naitront dans un lit bien moelleux. Corbeaux-vache: 2 contre 1.

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A Danakyu, un Biélorusse et une Ukrainienne ont spontanément rejoint notre groupe. De sept personnes, nous passons à neuf. Et ça, c’est un sacré avantage pour négocier avec les aubergistes. Aujourd’hui, nous arrivons les premiers à Chame. Nous sommes donc responsables du choix de l’hôtel et de la négociation. Nous choisissons prioritairement les établissements situés en sortie de village. Les auberges sont moins pleines, moins bruyantes et pas forcément moins bien. Nous obtenons aussi de meilleures conditions car elles sont moins fréquentées. Quand nous arrivons en couple, l’aubergiste semblent moyennement intéressé. Quand nous lui parlons de neuf personnes, son comportement change immédiatement. Nous sentons le pouvoir de négociation basculer en notre faveur. Il est prêt à accepter (presque) n’importe quelles conditions. A neuf, nous demandons des chambres gratuites contre l’engagement de prendre notre diner et notre petit-déjeuner dans son établissement. Autant dire une manne pour lui. Chacun s’y retrouve au bout du compte. Du pur win-win. Aujourd’hui, je réussis même à négocier l’électricité (pour recharger batteries, ordinateur) gratuite. Malheureusement, une coupure généralisée nous empêchera de profiter du fruit de ma négo…

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Photos du jour.

Jour 6: de Chame (2700m) à Upper Pisang (3310m)

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Ce jour-là est un peu triste. Premièrement parce que Manuel est tombé malade dans la nuit. Des douleurs dans la gorges et dans la poitrine. Manuel pense à un début d’infection pulmonaire. Flopa et Manuel décident de rester à Chame pour se reposer au chaud. Nous nous séparons donc de nos amis. Si Manuel va mieux, nous nous reverrons à Manang.

Ensuite, nous commençons la journée sous la pluie. Elle ne nous lâchera pas de la matinée. Björn qui est parti avec pas grand-chose, achète in extremis un poncho avant de quitter Chame. Dans les villages, même les moins bien desservis, on trouve de tout…contre toute attente. Vêtements, chaussures de marches, piles, cartes mémoire, gaz, souvenirs…

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L’horizon est bouché par les nuages. Les paysages sont monotones. Nous croisons, une fois n’est pas coutume, un touriste népalais qui vient découvrir les montagnes de son pays. Il redescend; nous lui demandons pourquoi. Le temps est exécrable depuis plusieurs jours. Il neige à Pisang (notre destination du jour). Il nous raconte aussi qu’hier, de nombreux touristes ont dû être évacués par hélicoptère, victimes du mal des montagnes. Il y a deux jours, un guide népalais est mort pour la même raison. Choc ! Un guide népalais. Il a dû faire ce parcours des centaines de fois et d’un coup, il est mort du mal des montagnes. L’altitude critique varie avec l’âge.

Nous repartons sous la pluie, le moral en berne. Une heure après, la chose se confirme: dans un virage, nous voyons arriver un convoi funéraire. Quatre hommes portent, sur une civière, un corps entièrement couvert d’une bâche. Les pieds ont été enveloppés dans des draps. Les membres de la famille suivent, endeuillés. Brusque retour à la réalité. Björn et Inge sont un peu sous le choc. Fini, colchique dans les prés. La montagne, ça tue et sans prévenir.

Pendant la pause déjeuner, la pluie se transforme en neige. Nous nous regroupons tous autour du poêle du restaurant et ne partons que lorsque le bois vient à manquer.

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C’est sous les flocons que nous arrivons à Upper Pisang. Le paysage change d’un coup. Nous avons passé la limite des arbres. Plus de bois. Pisang est notre premier village entièrement construit en pierre. Nous repérons une auberge accrochée tout en haut à la montagne. Nous devinons une salle de séjour avec de grandes baies vitrées. Un nid d’aigle avec vue sur les sommets. Nous nous hissons péniblement dans la tempête de neige.

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Dans la course contre le mauvais temps, nous perdons nos deux randonneurs des ex pays russes. De neuf personnes hier, nous tombons à cinq.

L’auberge tient ses promesses de vue panoramique et de confort. Nous nous regroupons autour du poêle avec vue sur la vallée mais pas encore sur les montagnes. L’Annapurna 2, est là quelque part dans la purée de pois. Nous espérons que les conditions seront meilleures le lendemain.

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Photos du jour.

Jour 7: d’Upper Pisang (3310m) à Manang (3540m)

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Le soleil est là. A la sortie du lit, nous nous précipitons pour admirer les reliefs que la neige et le brouillard nous interdisaient de voir la veuille. C’est splendide ! Du balcon, nous apercevons les Annapurnas II et IV. Respectivement 7937m et 7525m.

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La journée s’annonce magnifique. Et ça tombe plutôt bien car on a une vingtaine de kilomètres à marcher jusqu’à Manang. Il y a deux possibilités d’y arriver. La route de la vallée, plus facile, et la route des hauteurs, celle qui propose les meilleurs panoramas mais aussi une montée hyper raide qui fait gagner 400 m d’altitude en une heure. Etant donnée la météo, nous n’hésitons pas une seconde. Nous prenons la route scénique.

Giaru Panorama

Nous quittons notre jolie auberge et le village d’Upper Pisang avec un pincement au coeur. Au début de la marche, nous n’arrêtons pas de nous retourner pour prendre des photos du villages de pierre avec ses centaines de drapeaux de prières qui claquent au vent sur fond d’Annapurnas II et IV baignées de soleil.f

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Bientôt, l’ascension tant redoutée se présente. On peine. Nous sommes déjà à plus de 3700m. Nous ne fonctionnons qu’avec à peine 70% de l’oxygène que nous avons l’habitude de respirer au niveau de la mer. Arrivés en haut, la vue est hallucinante. Le point de vue situé à côté d’un stupa est décoré de drapeaux de prières. Ils portent les cinq couleurs: blanc (l’espace), jaune (la terre), vert (l’air), rouge (le feu) et bleu (l’eau). C’est le symbole des Himalayas. On les trouve partout: au-dessus des maisons, accrochés aux pont, ils foisonnent évidemment à proximité des monuments religieux ou des endroits sacrés comme les cols des montagnes. Ils donnent aux paysages népalais une note colorée et poétique. Ils sont accrochés par les pèlerins, les trekkers, les villageois comme une offrande aux dieux. Les prières inscrites sur les drapeaux sont emportées par les vents à travers le monde. Ascenseur direct pour les cieux.

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Dans le registre religieux, il y a aussi dans chaque village des sortes de plateformes sur lesquelles sont installées des pierres gravées. Et surtout, il y a les fameux moulins à prières: une série de cylindres métalliques gravés d’inscriptions montés autour d’un axe. A l’intérieur de chaque moulin, il y a un texte sacré. Le tout est protégé par un toit ou une arche et installé à hauteur d’homme. Il faut toujours passer sur la gauche du monument afin de faire tourner les moulins dans le sens des aiguilles d’une montre. Dans les plus gros villages, le monument comporte une soixantaine de moulins. Et attention, il ne faut pas en rater un ! C’est le marathon de la prière.

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Cette journée est de loin la plus belle depuis le début de notre trek. Une fois dans les hauteurs, nous évoluons à peu près à la même altitude le long de la montagne avec vue sur la vallée des Annapurnas. La chaine de montagne se dévoile après chaque courbe. L’Annapurna III (7555m) fait son apparition, puis le Gangapurna (7455m). Nous prenons de nombreuses photos présentant des stupas sur fond de sommets enneigés.

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A l’altitude à laquelle nous marchons, nous voyons passer d’immenses rapaces à notre hauteur. Nous les repérons souvent à leur ombre qui cache, l’espace de quelques secondes, le soleil. Il font entre 2 et 3m d’envergure. Ils scrutent la vallée à la recherche d’une bête à l’agonie ou d’une charogne. Ce sont des vautours, des virtuoses du drift et du lift. Ils se laissent planer, attrapent un courant ascendant et prennent de la hauteur sans avoir battu des ailes une seule fois. Quand ils passent à quelques dizaines de mètre de nous, on entend le glissement de l’air sur leurs plumes.

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Nous arrivons à Manang complètement cuits. Malgré les multiples applications de crème solaire, nous sommes tous rouges comme des homards. Mon Camelback est à sec depuis une bonne heure, celui de Nicolas sur lequel je pompe est quasiment vide. Ca sens la déshydratation.

Située sur un plateau en face de l’Annapurna III et du Gangapurna, avec ses maisons de pierres et ses drapeaux, la ville de Manang ressemble à une forteresse.

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La première chose que nous repérons dans ses rues, ce sont les nombreuses boulangeries. Croissants au beurre, pains au chocolat, gâteaux aux pommes, roulés à la cannelle et même Forêt noire…on va se faire plaisir.

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Avec le groupe, nous avons décidé de faire une pause d’au-moins une journée. Pour se reposer de cette première semaine de trek. Pour oublier un peu les douleurs de dos et d’épaule causées par les sacs-à-dos. Pour avoir le temps de prendre conscience de l’endroit ou l’on est, car ces sept premiers jours sont passés très rapidement.

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Photos du jour.

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