Hué est située pile-poil au centre du pays, au niveau du 17e parallèle. C’est d’ailleurs à cet endroit que fut établie la frontière entre, au nord, la République Démocratique du Vietnam (communiste) et, au sud, la République du Vietnam, anticommuniste. Nous remarquerons d'ailleurs le passage de frontière s'effectuer au-travers du changement de mentalité et de culture, lors de notre séjour à Hué. La religion bouddhiste laisse place au culte confucéen, les habitants sont moins chaleureux avec les touristes...
Mais Hué est surtout l’ancienne capitale impériale du Vietnam. On y trouve une immense citadelle qui rappelle la Cité Interdite de Pékin. La Cité impériale abritait… les empereurs (et oui!), des mandarins (les fonctionnaires) et les centaines de courtisanes. Le harem des empereurs était immense et les souverains avaient souvent une très nombreuse descendance. La conséquence: la plupart des habitants d’Hué se disent (souvent à raison) de sang impérial.
Le guide du Routard nous apprend que le pouvoir de l’empereur était variable selon les époques; autrefois fiers conquérants, les derniers empereurs devinrent des empereurs d’opérette pendant la colonisation française et l’occupation américaine. La cité impériale a été pratiquement détruite lors de l’offensive du Tet pendant la guerre du Vietnam, mettant définitivement fin à la dernière dynastie d’empereurs vietnamiens. Les quelques bâtiments restés debout peuvent être visités: le reste est en ruine. Des ouvriers s’affairent à reconstruire un à un les édifices. Une tâche herculéenne.
Lors de la visite, on apprend tout un tas de chose sur le fonctionnement de la cour. Quelques détails sont croustillants: les baguettes de l’empereur était faites d’un bois spécial qui se colorait au contact du poison. On apprend aussi que chaque jeune femme de l’Empire qui devait se marier devait, au préalable, être “présentée” à l’empereur. Nous pensons que c’est aussi comme ça qu’il alimentait son harem…
Mais le fin du fin, c’est que de leur vivant, ces empereurs faisaient construire à grands frais (du genre à vider complètement les caisses de l’Empire), d’immenses tombeaux. Aux alentours de Hué, il existe donc de magnifiques sites construits sur le principe de la géomancie (le même principe que le Feng Shui). Ces tombeaux s’étendent sur des hectares de parcs magnifiques avec pièces d’eau, forêts et collines plus ou moins artificielles. Ils comprennent des monuments mortuaires des empereurs, des impératrices et des principales courtisanes ainsi que de multiples édifices dédiés aux ancêtres.
Les tombeaux ne sont pas aux abords immédiats de la ville. Nous partons donc les visiter, comme de coutume, en moto.
Comme toujours, la route est belle. Comme toujours, on découvre plein de choses: après les asphaltes écarlates de piments, on admire les bas-côtés striés de mystérieux bâtonnets rouges. On s’arrête pour confirmer nos soupçons. Une femme sort comme un diable de la cours de sa maison pour nous proposer… des bâtons d’encens !
C’est sa production qui est en train de sécher sur le trottoir. Nous lui achetons une boite après nous être fait expliquer la technique de fabrication.
Notre dame mélange de la sciure de bois, de la terre et de la cannelle avec de l’eau. La pâte obtenue est passée dans une machine qui l’enserre autour d’une très fine lamelle de bois. Et voilà, laissez séchez quelques heures au soleil et vous obtenez un bâton prêt à brûler en mémoire d’un ancêtre, pour purifier les maisons ou pour chasser les mauvais esprits.
Les trois tombeaux que nous visitons sont spectaculaires, chacun à leur manière. Dans les deux premiers sites, nous apprécions la sérénité des lieux. On y voit des étangs artificiels plantés de fleurs de lotus. Un martin-pêcheur opportuniste se sert de ces perchoirs pour optimiser ses chances de choper un déjeuner.
Dans les bâtiments, les abondantes décorations florales et les statues de Bouddha du sud du Vietnam ont fait place à des autels décorés de quelques vases de porcelaine et de plaques mortuaires en bois avec inscriptions chinoises. Ce passage à la sobriété permet de se concentrer sur l’atmosphère des lieux, propice à la méditation.
Le dernier tombeau que nous visitons est, au contraire des premiers, ramassé et extravagant. Pour éviter la gabegie, la taille des tombeau a été réglementée au fil du temps. Ce dernier empereur s’est rattrapé sur la décoration. Des millions de morceaux de verre et de porcelaine ont été utilisés pour orner les intérieurs des bâtiments.
On peut admirer de magnifiques dragons, compositions florales et oiseaux de paradis !!! Ca nous rappelle furieusement le Wat Arun de Bangkok ou le parc Güell de Barcelone.
L’ironie de l’histoire, c’est qu’aussi grand et luxueux qu’ont pu être bâtis les tombeaux, ces derniers n’ont jamais été utilisés. Les empereurs étaient inhumés avec tous leurs trésors et craignaient les pilleurs. On les enterrait donc dans des lieux tenus secrets…
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