“Félicitations, vous avez battu le record !”. C’est par ces mots que nous accueille notre hôte de la Schein Guesthouse à Siem Reap. Depuis qu’il a inauguré son hôtel, nous sommes les personnes qui ont mis le plus de temps à venir depuis le Laos. On se serait bien volontiers passés de cette palme ! Le voyage n’a, en effet, pas manqué de rebondissements. Nous avons mis plus de 20h pour rallier notre destination : attente injustifiée à la frontière Laos - Cambodge (sans parler des multiples tentatives d’escroqueries), système de refroidissement du moteur du bus défaillant (qui a imposé de nombreux arrêts pour remplir le radiateur à coup de seaux d’eau), crevaison qui nous a fait perdre une heure supplémentaire… Nous n’évoquerons pas les sièges défoncés et l’absence de clim… C’est comme jouer au jeu des mille bornes avec un sadique. On regrette les bus péruviens. Bienvenus au Cambodge !
Siem Reap est la porte d’entrée des temples d’Angkor. Ce groupement de monument est devenu le symbole de la culture khmer. Les tours d’Angkor Wat, le vaisseau amiral d’Angkor, figurent d’ailleurs sur le drapeau cambodgien.
Articulés autour des grand et petit circuits, les principaux temples d’Angkor sont visitables en trois jours. Bien sûr, on peut y passer plus de temps car il existe beaucoup d’autres temples en dehors de ces circuits.
La meilleure façon de visiter Angkor est de louer les services d’un tuk-tuk pour la journée. Le conducteur vous accompagne jusqu’aux temples et attend pendant que vous visitez. Très pratique et abordable (13 $ par journée).
Faut-il un guide pour visiter Angkor ? Nous avons pris la décision de ne pas en recruter sur les conseils de notre guesthouse. Apparemment, il existe peu de guides professionnels à Siem Reap. Sans compter que la plupart ne maitrisent pas bien les langues étrangères et que beaucoup inventent des histoires pour captiver les touristes. Ce fait nous sera confirmé par notre ami Nico de Phnom Penh, fin connaisseur de la culture cambodgienne et des Cambodgiens. “Ici ce qui compte, c’est faire plaisir au touriste (avec des anecdotes croustillantes), quitte à s’arranger avec la réalité historique”.
En revanche, se lancer à Angkor sans information serait vraiment dommage, d’autant qu’il n’y a aucune explication sur le site, ni d’audioguide… Sur les conseils du guide du Routard, nous achetons donc le guide Les monuments du groupe d’Angkor de Maurice Glaize. Nous trouvons le livre dans le quartier touristique de Siem Reap, chez un vieux militaire français reconverti qui vend aussi de terrifiantes dents de tigre et des vieilles pipes à opium…
Les monuments du groupe d’Angkor est ce qui se fait de mieux comme guide papier. Maurice Glaize, architecte de formation, est un des découvreurs, restaurateurs et conservateurs du site d’Angkor. Son guide contient une introduction de 70 pages avec explications sur l’histoire, l’utilisation des temples, l’architecture… Ensuite, chaque monument du groupe d’Angkor est décrit avec énormément de détails architecturaux, plans à l’appui. Notre guide papier nous aura coûté 7 $ contre environ150 $ pour la durée de notre visite avec un guide affabulateur…
Angkor, kesaco ?
Un gigantesque ensemble de 287 temples construits entre le IXe et XIVe siècles par les rois de l’empire khmer. Le mot Angkor signifie “capitale”. Selon la NASA qui a sondé les sols, le site s’étendait sur plus de 3000km2 et comptait 800.000 habitants, ce qui en faisait la plus grande ville de l’ère pré-industrielle. Aujourd’hui, les ruines d’Angkor ne s’étalent “plus” que sur 400 km2.
A quoi servaient les temples ? Avant tout à obtenir des mérites auprès des dieux du panthéon hindouiste. Les rois s’en servaient ensuite de tombeaux (les urnes contenant les cendres étaient placées sous des statues sacrées dans le temple et devenaient à leur tour objet de culte). En aucun cas les temples ne servaient d’habitation pour les rois ou leur cour. Ces derniers vivaient dans des habitations en bois, bambou et autres matières périssables. La pierre étaient exclusivement utilisée pour les dieux.
Les temples khmers n’étaient pas non plus des lieux de culte publics (comme les cathédrales en Europe). Leur accès étaient strictement réservé aux officiants du culte. Avides de cérémonies traditionnelles, les fidèles groupés dans les enceintes extérieures se prosternaient au passage des idoles et reliques momentanément offertes par les prêtres à leur adoration lors de processions. Pourtant, c’est au travail de forçat du peuple khmer que l’on doit la construction des fleurons angkoriens.
La construction de la gigantesque capitale absorbait une bonne part de l’activité de toute la population. Elle la vidait jusqu’à la moelle en s’ajoutant aux charges militaires et en l’écrasant d’impôts et d’obligations en tout genre.
Une construction…d’amateurs…
Les Khmers étaient traditionnellement des spécialistes de l’architecture du bois et n’avaient pas d’expérience dans la construction en dur. Maurice Glaize et les équipes successives de restaurateurs des temples ont pu constater lors de leurs travaux les énormes lacunes techniques des Khmers: blocs de pierres non ajustés créant des lignes de rupture dans les murs, utilisation de matériaux mixtes et friables pour les fondations, répartition inégale des charges qui entrainaient invariablement l’effondrement des galeries et des toits… La pierre est traitée constamment comme le bois avec les mêmes assemblages. Partout, erreurs et malfaçons sont flagrantes.
Un des conservateurs d’Angkor explique: “Au Cambodge, il semble que la construction ait été une nécessité ennuyeuse qu’on bâclait le plus possible pour réaliser au plus vite la seule chose qui comptât, la forme, plus ou moins imposée par la tradition”.
Remarquer les systèmes de maintien des pierres du toit…
En Orient la perfection architecturale importe peu. Le bâtiment est la base de l’expression spirituelle qui passe par la décoration des colonnes et des linteaux, la sculpture des bas-reliefs et la position symbolique des bâtiments les uns par rapport aux autres.
Architecture et symbolisme
Chaque bâtiment d’Angkor devait être une représentation réduite du monde: les étagements de terrasses figuraient le mont Meru, demeure des dieux, les enceintes incarnaient des chaines de montagnes, les douves symbolisaient les océans…
Quasiment tous les temples avaient leur ouvertures principales orientées à l’est, signe de la glorification du soleil levant, relique du culte solaire à l’honneur dans les anciennes civilisations (ces dernières considéraient que le soleil exerce sa plus grande puissance au lever).
Le temple type de l’architecture khmer est le “temple montagne” dont les gradins superposés suivant une loi de réduction proportionnelle constante aurait pour enveloppante une pyramide. C’est une réplique de la tour de Babel ou “porte du ciel”, conception qui se retrouve dans la pyramide aztèque. C’est le Mont Meru ou “Mont Céleste” où les hommes et divinités ont été créés. Des quinconces de tours symbolisent parfois les cinq sommets du mont Meru comme à Angkor Wat.
La fin d’Angkor
A partir du XIVe siècle, une combinaison de désastres environnementaux (inondations, déforestation, surpopulation) et les invasions des empires voisins provoquent la chute de la civilisation angkorienne. Le site est alors laissé aux pillards qui emportent statues, pierres précieuses et bas-reliefs (un des hauts faits d’André Malraux…).
La nature reprend ses droits et la jungle envahit les temples. Les fromagers, dont les racines s’immiscent dans n’importe quelle anfractuosité, descellent des blocs et créent de nombreux écroulements. C’est certainement aussi ce qui donnera aux ruines d’Angkor leur caractère si romantique.
Nous visitons donc dans une chaleur accablante les 18 temples des petit et grand circuit (sur les 287 existants…). Au cours de ces trois jours, nous avons particulièrement admiré le foisonnement des décorations. Les asparas (danseuses célestes) sont particulièrement fabuleuses.
A force de les voir, on est tenté de les imiter. Je peux vous affirmer que la position est absolument impossible à tenir.
On admire la richesse extrême des ornementations sur les linteaux et colonnes, dentelles de pierre sur les toits.
Nous apprécierons aussi le temple du Ta Phrom, volontairement laissé à l’état de nature, tel que les explorateurs l’on découvert avec ses fromagers qui ont poussé dans les murs et les toits des constructions.
On dirait des “Monstroplantes”.
Les mystérieux visages tournés vers les 4 points cardinaux du temples de Bayon. Difficile de ne pas se remémorer les Moais de l’ile de Pâques…
Retrouvez ici les galeries photos des 18 temples que nous avons visités.
Le soir après nos journées de visite, nous retrouvons Fabien, Rémi et Théo dont nous avons fait la connaissance sur le plateau des Bolavens, puis que nous avons revus à Don Det. Nous passons toujours de bons moments avec eux. Cette fois, c’est Théo qui est le centre de la conversation. Après la super cuite qu’ils se sont pris la veille dans Pub Street, une rue regroupant le meilleur et le pire des discothèques, bar à cocktails et à filles, Fabien et Rémi nous racontent comment ils ont sauvé Théo d’une situation embarrassante. Théo, “joli-coeur”, rond comme une queue de pelle s’est fait embarquer par un ladyboy (un transsexuel). Fin beurré, il n’y a vu que du feu. Grands chevaliers, Fabien et Rémi sont arrivés juste à temps dans la chambre d’hôtel pour chasser le lady-boy déjà installé au lit. Le récit de la scène agrémenté d’imitations et de moult détails nous fait mourir de rire. L’honneur de Théo sera finalement sauf. Le ladyboy aura tout de même réussi à le délester de 50 $ à la faveur d’un moment d’inattention…
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