Quelle est la capitale de la Bolivie? Question épineuse. La Paz la chaotique ou Sucre la bourgeoise ? Officiellement, c'est Sucre. Mais le palais présidentiel et le gouvernement sont à La Paz. L'exécutif et le législatif sont dans les vents froids de l'Altiplano et le judiciaire dans les vallées chaudes et tranquilles du centre de la Bolivie.
Après avoir visité les musées des "deux capitales", nous sommes en mesure de vous affirmer que la Bolivie a été bien malmenée par l'Histoire.
Suite à la mise à sac pendant 300 ans par les conquérants espagnols, le Haut-Pérou (son nom de l'époque) profite des troubles révolutionnaires en Europe pour prendre les armes. Il réussit à se libérer en 1825 et sera ainsi le dernier pays d'Amérique du Sud à gagner son indépendance. Bolivar, un Vénézuélien qui a mené la lutte, est nommé président. Il donne à la capitale le nom de son général et ami Sucre (la ville se nommait La Plata à l'époque). On proclame la nouvelle république de Bolivar. Mais Bolivar a de plus gros projets (unifier 5 pays pour créer un immense état sud-américain) et quitte la ville de Sucre, 4 mois seulement après sa nomination. On renomme le pays "Republica de Bolivia".
S'en suit, de 1825 à nos jours une valse de 65 présidents, soit un président tous les 3 ans en moyenne.
Evo Morales, le "Che bolivien"
Sur les 65 présidents:
- plus de la moitié furent des militaires ayant pris le pouvoir par la force
- 14 d'entre eux furent assassinés, dont un qui fini pendu à un lampadaire devant le palais présidentiel
- il y eut une femme qui resta au pouvoir un an
- le président resté au pouvoir le moins longtemps a tenu 3 jours avant d‘être tué. Bref, rien qui ne puisse garantir une stabilité ou un semblant de développement.
Par ailleurs, la Bolivie est un pays qui a une fâcheuse tendance à perdre les guerres contre ses voisins. Au cours des 150 dernières années, le pays a perdu par 4 fois des territoires stratégiques:
- des prospections révèlent des gisements de pétrole au sud-est de la Bolivie, le Paraguay s'arroge d'immenses territoires lors de la guerre du Chaco
- on trouve du gaz dans le sud-ouest du territoire, l'Argentine occupe le terrain
- des trace d'étain dans les montagnes avoisinantes du Titicaca, le Pérou se taille la part du lion.
- le coup de grâce... le Chili, en gagnant la guerre du Pacifique en 1884, lui supprime définitivement l'accès aux ressources de salpêtre, de guano et surtout à la mer. Une légende dit que cette guerre entre la coalition Bolivio-Péruvienne et le Chili a été perdue parce que, le jour de la bataille finale, le président bolivien a donné leur journée aux soldats pour cause de Carnaval. Les Péruviens sont allés se battre seuls.
Enfin, la Bolivie a vendu près de 500.000 km2 de jungle au Brésil, alors qu‘on venait d'y découvrir du caoutchouc. Un territoire grand comme la France !!!
Il y a quelques années, on a trouvé du lithium sous le salar d'Uyuni, la Bolivie ne devrait pas en faire trop de publicité : si vous voulez notre avis, elle risque d'attirer les convoitises.
En bref, voici un pays libéré par un étranger, livré pendant 150 ans aux dictatures politiques et qui a perdu dans le même temps les deux tiers de ses territoires. Quand on vous dit que l'Histoire a malmené la Bolivie, on frôle la litote.
Revenons à La Paz et Sucre. En vérité, peu de villes sont aussi opposées que ces deux-là. La Paz est trépidante, bruyante, impressionnante, orange, pauvre. C‘est paradoxalement la ville de l'or qui vient des Yungas voisines. Sa géographie est essentiellement verticale.
Sucre est calme, limite oisive, sa couleur blanche en fait la Minas Tirit de la Bolivie ! Sucre est riche de l'argent de Potosi, située à 3 heures de route. C'est le printemps toute l'année et il y fait bon vivre.
Les deux villes s'apprécient peu et ne manquent pas une occasion de se provoquer. Nous avons aimé les deux villes, pour des raisons différentes.
La Paz, j'en rêve depuis que j'en ai vu une photographie, prise de nuit, sur un calendrier. Je n'ai pas été déçue. La ville tapisse le fond d'un canyon et remonte le long de ses pentes. Pas d'organisation dans son urbanisation. Plutôt un chaos innommable. A force de construire n'importe où, les pentes s'effondrent avec les maisons. Les rues de la ville font regretter d'avoir laissé crampons et piolet au camp de base du Huayna Potosi. La circulation est dense et erratique. La ville torture les bus et camions dont les pneus sont souvent complètement lisses. De La Paz, on voit les monts enneigés de la Cordillère Royale.
Nous avons passé du temps dans les marchés de la Paz : marché central où la population du quartier déjeune pour une misère dans de petites gargotes, marchés de rue où un jour par semaine sont vendus les objets volés aux touristes, marché aux sorcières à la recherche de poudres magiques...
A Sucre, nous avons bullé. La ville s'y prête bien avec son doux climat, ses chocolatiers et ses beaux musées. Nous y avons effectué la première vraie pause de notre voyage. Bon, une infection intestinale m'a retenue au lit deux jours... mais nous en avons profité pour mettre à jour notre website, trier des photos et organiser la suite du voyage.
A Sucre, nous avons visité un musée exceptionnel : le musée des arts indigènes. Une association a fait renaitre le savoir-faire textile des villages de la région. En plus de proposer une très belle exposition bien expliquée, l'association expose et vend les oeuvres des tisserandes.
Celles-ci se relaient dans le musée pour tisser devant les visiteurs. Les tissages que vous voyez sur ces photos sont des oeuvres uniques, qui ont nécessité entre 3 et 5 mois de travail.
Les motifs rouges sur fond noir sont magnifiquement entremêlés et sortent directement de l'imagination de ces femmes qui vivent souvent dans le dénuement. On a du mal à savoir où elles puisent leur créativité.
Retrouvez ici les photos de La Paz, et ici celles de Sucre.
Comments powered by CComment