Notre voyage andin se termine. Il serait dommage, avant de partir, de ne pas évoquer le thème de la médecine et du chamanisme, car même si nous n’associons pas spontanément le Pérou et la Bolivie à des pratiques médicales de pointe (ma plus grosse peur étant de faire une péritonite par ici et de devoir me faire opérer dans un hôpital bolivien), nous avons été bluffés par la connaissance des gens concernant les techniques naturelles préventives et curatives des maladies. Ce savoir qui évite aux populations de faire appel trop vite aux médicaments des entreprises pharmaceutiques est le fruit d‘un héritage très ancien.

Il a été prouvé que les chamans de la culture Moche (rappelez-vous Trujillo et les Huacas del Sol et de la Luna) possédaient une connaissance exceptionnelle des propriétés des métaux, des plantes, des champignons et des animaux. Ils en extrayaient les substances nécessaires à leur médecine: des alcaloïdes (comme analgésiques et anesthésiants), des antibiotiques, des coagulants et des substances psychoactives. Ces civilisations ont laissé derrière elles des artefacts prouvant leur grande connaissance des maladies :

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Représentation d'une paralysie faciale 

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 Bec de lièvre

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Au centre, cas de neurofibromatose (comme Elefantman)

  • Un mal de ventre ? Ils utilisaient la chaleur irradiante du chien Moche (se prononce aussi chien moche pour le coup) pour se soigner. Le chien Moche est l’équivalent canin du Sphinx, il n’a pas de poil mais il a le sang chaud…

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  • Autre utilisation surprenante de nos amies les bêtes : “la soba del cuy” toujours utilisée aujourd’hui dans les régions reculées. Il s’agit d‘un rituel lors duquel le ou la chaman effectue une radiographie du patient en utilisant un cochon d’Inde. L’animal est passé au dessus du corps du malade pendant une bonne demi-heure (avec force incantations). Pendant cette opération, l‘organisme de l’animal reproduit le mal dont souffre le patient. La bête est ensuite sacrifiée et autopsiée. On apprend alors en cherchant dans le corps du cochon d’Inde si le malade souffre d’une tumeur, d’hémorragie, de cirrhose, ou d‘une pneumonie…Une fois le diagnostic établi, il n’y a plus qu’à trouver le remède!
  • Une autre pratique étonnante: il existe des preuves de trépanations curatives réussies. On ouvrait le crâne des blessés après les batailles (rituelle ou guerrière) ou les accidents afin de soulager des commotions cérébrales ou d’extraire des tumeurs. On refermait le tout avec une plaque de métal précieux.

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Pourquoi n’a-t-on pas intégré ces connaissances médicales à une époque où, en Europe, une prescription se résumait bien souvent à une bonne saignée (relire Le malade imaginaire de Molière) et ou la meilleure des solutions à envisager en cas de fracture ouverte était l’amputation ? Vous pouvez remercier l’Inquisition catholique qui a bien fait son travail. Des siècles de savoir ont été perdus avec la chasse inconditionnelle aux chamans. Seules les régions les plus isolées ont réussi à conserver un minimum leur traditions médicales.

Aussi, des automatismes sont restés et beaucoup de femmes (surtout) savent encore comment calmer un mal d’estomac, endiguer un début de rhume, ou lutter contre des rhumatismes en utilisant, par exemple, une décoction de noyau d‘avocat broyé ou un massage à l’extrait de muña…

Par ailleurs, les gens d’ici se nourrissent bien. En observant les Péruviens dans la rue, je me suis rendue compte que peu d’entre eux portaient des lunettes, même les personnes en âge d’être presbyte. Deux raisons possibles me disais-je: soit les lunettes sont trop chères, soit la population péruvienne est génétiquement prédisposée à avoir des “yeux de Sioux” toute leur vie (il y a bien des ethnies qui sont prédisposée à ne pas avoir le vertige). Une conversation avec notre guide de Huaraz nous a permis de savoir que cet état de fait est dû à la richesse de l’alimentation. Dès leur plus jeune âge, les enfants sont élevés aux jus naturels de fruits et mangent des céréales riches en protéines. Notre guide nous a appris que ce régime alimentaire suivi tout petit garantit à l’adulte une bonne santé toute sa vie. On aurait même retrouvé des momies qui avaient toutes leurs dents alors que la personne était morte à soixante ans…

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Après, il y a aussi quelques dérives. A La Paz, il y a carrément un marché aux sorcières ! On peut y trouver toutes sortes de médicaments pour toutes sortes de maux. Là, se mêlent médecine traditionnelle, croyances folkloriques et attrape-gogo. Difficile de faire la part des choses.

Nous avons vu de nombreux foetus de lama que l’on enterre sous sa future maison avant de faire construire. Des amulettes et statuettes pour attirer fortune et fertilité dans le couple…jusque-là tout va bien.

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Après, il y a des trucs dont on a moins compris l’utilité et le mode de fonctionnement comme ce remède à la bave d’escargot.

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