Alice Springs, c’est la capitale de l’outback. Située en plein milieu de l’Australie, à la croisée des routes venues du nord et du sud et des pistes allant d’est en ouest, c’est une halte appréciée des conducteurs de Road Train, van, 4x4 ou berline de location…
La ville coupe une chaine de montagne, les Mac Donnell Ranges, que nous découvrirons quelques jours plus tard.
A l’origine une station télégraphique, Alice Springs s’est étendue et compte aujourd’hui 27.000 habitants. Dans cette ville, on trouve de nombreuses galeries de peintures aborigènes, des magasins de souvenirs spécial outback (des chapeaux en cuir, des pièges à mouches, des bottes en croco, des filets anti-mouches, des boomerangs, des crèmes anti-mouches, des boomerangs, des tapettes à mouche…), des magasins pour se réapprovisionner en tout avant et après des milliers de kilomètres sans rien.
Alice Springs est aussi une des bases du RFDS, le Royal Flying Doctors Service. On touche ici à un aspect essentiel de la vie dans ces régions isolées. Le RFDS est une organisation à but non lucratif qui procure des soins médicaux aux personnes qui n’ont pas d’accès aux hôpitaux en raison des trop grandes distances. Les médecins se déplacent dans des avions médicalisés.
Nous visitons le musée dédié au RFDS et visionnons le film de présentation.
La mise en place du RFDS est un exemple de réussite, d’efficacité, d’organisation et de solidarité… C’est une institution très respectée en Australie. Son financement dépend essentiellement de la générosité des Australiens. Son créateur, John Flynn, est un héros national qui a désormais sa bobine sur les billets de 20$ australiens.
En 1912, l’église presbytérienne mandate John Flynn, un révérend qui a vécu longtemps dans l’outback, afin d’établir un rapport sur les besoins des australiens installés dans dans les terres isolées. La première chose qui ressort de l’enquête du révérend Flynn, c’est l’accès extrêmement restreint des habitants du bush aux soins médicaux. On ne compte plus les histoires sordides de bushman gravement accidenté, anesthésié au whisky et opéré avec un canif par le postier du village, ou de docteurs qui mettent une dizaine de jours en bateau, à cheval et à pied afin d’aller secourir un blessé…pour constater, une fois arrivé, que le patient est mort la veille, etc.
Une mission pilote avec centre médical est créée. C’est immédiatement un succès. Cependant, les patients les plus éloignés sont toujours impossibles à atteindre rapidement en cas d’urgence. Flynn a alors l’idée d’utiliser l’avion pour accélérer l’acheminement des soins. Il se rapproche du fondateur de la Queensland and Northern Territory Air Service (la QUANTAS !) pour mettre en place son projet. La compagnie met à disposition du RFDS un premier avion baptisé Victory contre une somme symbolique (2 shillings / mile parcouru). Le principe des docteurs volants est né!
Restent quelques problèmes à régler.
En premier lieu, le système d’alerte. Les habitants du bush ne disposent pas de système de communication simple à utiliser pour appeler les secours. Dans les années 20, le principal moyen de communication dans le bush est le télégraphe, actionné par un opérateur formé au langage du morse. Flynn fait appel à un ingénieur qui crée pour les besoins du RFDS la radio à pédales. Il s’agit d’une machine à écrire reliée à un télégraphe. Un système mécanique traduit les lettres de la machines à écrire en langage morse. La radio est alimentée par une dynamo activée par des pédales. Les radios à pédales sont peu à peu distribuées aux habitants du bush et aussi aux Aborigènes. Dès les débuts du projet, Flynn donne accès aux services du RFDS à toutes les communautés vivants dans le bush, sans distinction de race ou d’ethnie. Pour l’époque, cette démarche est révolutionnaire.
A partir des années 40, les premières infirmières montent à bord des avions. Elle seront à l’origine d’autres innovations. La plus notable (qui est toujours utilisée d’ailleurs) est celle du Body Chart. Un plan simple du corps humain découpé en sections numérotées. Cette invention permet de demander au patient de mieux décrire ses symptômes et aux médecins de déterminer plus rapidement le matériel et les remèdes à emmener sur place. Ils permet aussi de contourner le problème de la langue dans les communautés aborigènes.
Un brin d’humour en passant, car malgré la simplicité d’utilisation du Body Chart, tout le monde ne semble pas comprendre le mode d’emploi du schéma. Un jour, un patient appelle le centre du RFDS et raconte au docteur au bout de la ligne: “ayant épuisé le stock de médicament de la zone 9, j’ai pris un médicament de la zone 4 et un de la zone 5 pour continuer le traitement…ça a l’air de marcher…”
Le choix du type d’avion est aussi déterminant pour le transport médicalisé dans des régions reculées. Un tel avion doit être facile à piloter, il doit pouvoir décoller et atterrir sur des pistes très courtes ou dans des endroits ou il n’y a pas de piste du tout. Il arrive, ainsi, que les routes qui traversent le pays soient réquisitionnées pour l’atterrissage d’un avion du RFDS… Vous verrez ce panneau d’avertissement et devrez regarder dans votre rétroviseur…
S’ajoute la contrainte d’efficacité (une consommation basse en kérosène), la nécessité d’être pressurisé pour le confort du malade et la possibilité de voler en haute altitude pour éviter les intempéries et les turbulences. L’avion doit pouvoir être aménagé pour le transport de plusieurs malades, d’une infirmière ou d’un docteur.
Aujourd’hui, le RFDS est un réseau comportant 21 bases réparties sur tout le territoire australien. Selon les statistiques 2012, il emploie 1150 personnes et possède 61 avions. Sa mission, de nos jours, comprend:
- les premiers secours en cas d’accident ou de maladie grave
- l’évacuation des malades
- une centrale téléphonique assurant des consultations 24h/24, 7j/7
- des tournées médicales régulières dans les zones reculées
- des transferts aériens entre hôpitaux
- une assistance aux docteurs du bush
- l’éducation et sensibilisation dans les communautés
Les centres médicaux du RFDS couvrent toute la palette des spécialités médicales: urgences, maternité, psychiatrie, soins des dents…
En 2012, le RFDS effectuait en moyenne par jour:
- 72.870 km de vol
- 203 atterrissages
- 750 contacts avec des patients (visites, consultations téléphoniques)
- le transport de 112 patients (évacuation, transfert, rapatriement…)
- 243 consultations téléphoniques
Dans le musée, un panneau électronique indique en temps réel, les mouvements des avions.
Une très belle initiative que le RFDS. Efficace, ouvert à tous, innovant. Si vous passez vers Alice Springs, allez rendre hommage au révérend Flynn dont la sépulture est située à l’entrée des West McDonnell Ranges, la porte du bush !
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