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Jour 20: de Deurali à ABC
Nous partons plus tôt que d’habitude pour arriver au camp de base de l’Annapurna en fin de matinée. Après midi, parfois même plus tôt, la météo se dégrade systématiquement.
Pour atteindre le camp, nous devons d’abord passer de l’autre côté de la vallée, par un itinéraire bis. La route normale est fermée, car bloquée par une avalanche. Après Deurali, nous trouvons, en effet…la neige.
Elle complique notre avancée. Nous déployons des efforts supplémentaires pour ne pas glisser. Nous passons bientôt devant le camp de base du sommet en queue de poisson. A cet endroit, la vallée dessine un angle droit qui mène à ABC. Du camp de base du Machhapuchhre, on voit l’Annapurna Sud, mais aussi l’Annapurna III et le Gangapurna que nous avions pu admirer, il y a une dizaine de jours…depuis l’autre côté du massif. Cela fait bizarre de les revoir sous cet angle. On a l’impression de visiter les coulisses…
Nous tournons plein est et remontons la vallée. Lentement. La neige a couvert les montagnes sur plusieurs dizaines de cm et de petites avalanches se déclenchent avec l’arrivée du soleil. Loin de nous, mais elles font à chaque fois un boucan d’enfer. Le camp est bientôt en vue. Un rocher transformé en panneau indique qu’il est à une heure de marche. On aurait pourtant dit qu’en vingt minutes, l’affaire était pliée. Mais la pente est trompeuse et les effets de l’altitude se font sentir. Quand nous arrivons aux bâtiments, au bord de l’asphyxie et le coeur sur la main, les nuages ont déjà envahi la vallée. Après une soupe aux champignons, je m’accorde une sieste réparatrice.
Il fait chaud dans la salle commune du lodge malgré la météo qui se dégrade dehors. Devant un pancake et un bol de chocolat chaud, nous observons les derniers trekkers et les porteurs qui remontent de la vallée. Pour protéger leurs marchandises, ces derniers ont recouvert leur hotte en osier de grandes bâches en plastique bleu. Ca leur donne un air très Schtroumpf.
Le soir venant, la météo se dégradant, on fait venir le heater. Dans la salle commune des lodges d’altitude, il y a d’immenses tables festonnées de couvertures. En dessous, on peut installer un mini-chauffage mobile au fuel. Les couvertures empêchent la chaleur de s’échapper. Ca marche super bien. Il faut juste éviter de se brûler les pieds sur la flamme. Tout le monde en profite pour mettre ses chaussures de marche à sécher. Du coup, la pièce est vite envahie d’une délicieuse odeur de pieds et de kérosène…
Jour 21: de ABC à Sinuwa
Lever à 5h45. Nicolas part en repérage photographique. Le temps est clair. On assiste au lever de soleil sur le massif. Annapurna Sud et Annapurna I voient bientôt leur crête sommitale s’enflammer. On voit nettement la course du soleil qui dévoile les dessins des neiges éternelles sur les flancs extrêmement pentus.
Avec ses 8091m l’Annapurna est dixième sommet le plus élevé de la planète. C’est aussi le premier sommet à plus de 8000m à avoir été vaincu. Et aussi… le premier sommet à plus de 8000m à avoir été vaincu du premier coup. L’exploit revient aux Français Lachenal et Mermoz qui atteignirent son sommet par la face nord en 1950. Enfin, l’Annapurna est le plus meurtrier des sommets de plus de 8000m: seule une personne sur deux revient vivante de sa tentative d’ascension (contre 1 pour 9 pour l’Everest et 1 pour 4 pour le K2).
Nous ne sommes pas les seuls à assister au réveil de l’Himalaya. Des Thaïlandais, des Malaysiens, des Australiens se prennent en photo devant les montagnes.
Nous accrochons nos derniers drapeaux de prières au stupa situé à côté du camp. Je perds presque mes doigts dans l’opération. Le vent ne manque pas ce matin. Nos petits drapeaux se déploient immédiatement, laissant nos voeux prendre leur envol.
Avant de quitter ABC, nous laissons à l’auberge un livre que nous avons terminé de lire: Farenheit 451, de Ray Bradbury. Pour contribuer à élever encore plus le niveau des consciences, ici, sur le toit du monde.
Après un petit-déjeuner copieux, nous redescendons dans la vallée: 25 kilomètres de descente au pas de course.
Dans deux jours, nous voulons être à Pokhara devant une pizza.
Jour 22: de Sinuwa à Kyumi
Ce matin, nous faisons nos adieux au sanctuaire des Annapurnas. Nous pouvons de nouveau manger du poulet, du porc et de la viande de boeuf. Nous remontons les 2200 marches de Chomrong. En passant devant la “German Bakery”, nous achetons des parts de forêt noire pour le déjeuner. De l’utilité de toujours voyager avec un tupperware… Puis, nous entamons une très longue descente dans la vallée. C’est officiel, nos genoux et chevilles nous haïssent.
Il fait de plus en plus chaud, mais notre essuyons de plus en plus d’averses. Nous arrivons en milieu d’après-midi à Kyumi, un lieu-dit plus qu’un village. Il n’y a que quatre maisons, dont deux auberges. Nous avons juste le temps de nous installer dans notre chambre et de prendre une douche: un orage de grêle s’abat sur la vallée.
Rien de mieux, dans ces moments là que de se pelotonner dans les sacs de couchage pour lire ou avancer sur les articles. Nicolas attrape un chat qu’il m’amène.
Le matou profitera pendant toute la soirée du confort des plumes et viendra même m’aider à lutter contre le syndrome de la page blanche.
Jour 23: de Kyumi à Nayapul
Dernier jour: nous l’attendions depuis longtemps, et c’est évidemment à ce moment qu’on se dit que le quotidien du trek va nous manquer. Pas forcément tout: on n’en peut plus de manger des patates, des nouilles et du Dal Bat. On voudrait ne plus devoir faire nos sacs tous les jours, se battre avec les robinets des cabines de douches spartiates pour avoir un peu de chaleur, ou laver tous les jours les chaussettes de Nicolas à l’eau glacée (double peine !). Et surtout, la perspective de se déplacer sans 13 ou 18 kilos sur nos dos respectifs nous réjouit énormément.
Mais on a aimé les moments de la marche. La découverte d’une nouvelle vallée, les drapeaux colorés qui se découpent sur l’horizon, la pureté des sommets blancs sur la pureté du ciel bleu, les moulins à prières, les dessins des cultures en terrasses sur la montagne, les jolis lodges accrochés aux pentes de la montagne, le soulagement de l’arrivée à l’auberge, les pauses devant une tasse de Ginger Lemon Honey Tea ou de Massala Tea, les coqs colorés au milieu d’une basse-cour bruyante, les chevreaux grimpant sur n’importe quel espace rocheux, les vautours glissant dans l’air, les chiens accompagnateurs et bien sûr, le temps partagé avec les autres randonneurs ou les Népalais qui nous ont accueillis dans leur auberge.
En un peu moins de 4 heures de marche, nous atteignons Nayapul. De là, on peut se rendre à Pokhara en taxi ou en bus collectif. Le bus, moins cher et plus authentique nous tente. Cependant, chaque bus qui arrive est plein comme un oeuf (toit compris). Nous engageons des négociations infructueuses avec les taxis qui demandent une petite fortune. Le chef du syndicat est présent et veille à ce qu’aucun des Taxi Drivers ne baisse le prix de la course. Au bout d’une heure trente d’attente, nous parvenons à monter dans un bus. Pas de place assise, naturellement. Nous restons debout dans le couloir central, accrochés aux rampes.
Des femmes rentrent avec des enfants en bas âge. Comme il n’y a plus de place, elles restent debout et confient leur bébé aux autres passagers. Une dame près de la fenêtre prend un nourrisson sur ses genoux pour que le marmot ait assez d’air. Un pépé avec une canne prend sous son aile un petit garçon de 4 ans. Confiance et bienveillance générale dans les bus népalais.
Nous arrivons après moults virages, dépassements au millimètre et coups de frein violents à Pokhara. Une bonne douche et hop, direction Godfather’s Pizzeria où nous attendent pizzas et cocktails. Sans rire, on les a bien mérités.
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