Nous partons avec un guide pour trois jours de randonnée dans les forêts et parcs nationaux autour de Chiang Mai. Au menu, passage sur le sommet de la Thaïlande, visite d’un temple dédié au roi et à la reine, nuitée dans des villages, baignades sous les chutes d’eau, balade à dos d’éléphant, descente de rivière en radeau de bambou et parcours entre forêts et rizières…
Un véhicule vient nous chercher à notre hôtel. Après une quarantaine de km, nous effectuons notre premier arrêt dans un marché de province. Notre guide et ses deux apprentis font le plein de victuailles pour cuisiner nos déjeuners et diners. Une nouvelle occasion de flâner dans le marché de nourriture avec ses viviers de poissons, ses pyramides de fruits et de légumes, ses agencements colorés de sachets d’épices…
Ensuite, nous entrons dans le parc national de Doi Intthanon. Pause d’une demi-heure aux magnifiques chutes d’eau de Mae Ya.
Nous enchainons par un rapide passage “au point le plus haut”. Le sommet de la Thaïlande. Pas de quoi affoler l’imagination… Le sommet se situe en haut d’une colline, au milieu de la jungle et culmine à 2595m. Pas encore l’Everest.
Dans la même matinée, nous nous rendons au temple de Bankrut. Un haut-lieu de pèlerinage pour les Thaïlandais. Les gens y viennent pour témoigner leur respect au couple royal. Les deux pagodes qui se font face, une pour la reine, l’autre pour le roi, n’ont rien d’extraordinaire. Massives, aseptisées…
Un immense portrait du roi accueille les visiteurs.
Le roi de Thaïlande, Rama IX, se nomme Bhumibol Adulyadej. Il a 85 ans et est actuellement hospitalisé. Dans son pays, il est idolâtré. Dans les rues, les restaurants et dans la moindre petite échoppe, on trouve son portrait. Un vrai culte de la personnalité. Là où on le voit le plus, c’est… au-dessus du mois de mars. En France, on a l’almanach des facteurs (celui avec les petits chats sortant d’un canotier, si, si), ou celui des Dieux du stade… Ici, le calendrier représente systématiquement le roi. Sur la photo de cette année, il lit un journal. Le cliché n’est pas récent: à vue de nez, il date des années 70. Le roi est éternel, il ne vieillit pas… Mais, ne vous avisez pas de dire du mal du roi en public. Vous risquez la lapidation, dans une nation où les gens sont particulièrement tolérants et relaxes. C’est dire ! Le jaune est la couleur royale. Du coup, on le retrouve dans les décorations des monuments, dans les compositions florales… La Thaïlande, le seul pays où il y a du fil jaune dans le kit couture distribué par les hôtels !
Après un casse-croûte de nouilles frites emballées dans une feuille de bananier, nous commençons enfin notre marche. Elle nous mène en moins de deux heures à un village de maisons sur pilotis. Nous logeons chez une famille. A l’étage, il y a une chambre avec des nattes de paille et des couvertures, le tout installé sous des moustiquaires. Pas vraiment le confort auquel s’attendaient Patrick et Danielle. On les avait pourtant prévenus !
Nous avons à peine eu le temps de poser nos sacs qu’une nuée d’enfants nous assaille pour nous vendre des bracelets de fils, de perles ou de lanières en cuir. Même la propriétaire de la maison se précipite pour nous proposer ses propres colifichets. Là, ça nous donne vraiment l’impression de n’être QUE des touristes à plumer. Nous les repoussons gentiment. Nous verrons plus tard pour les souvenirs.
Nous faisons une courte promenade dans le village. C’est la fin de la saison sèche, le riz est récolté. On ne peut pas encore le semer. Bref, c’est la période creuse. Les hommes, désoeuvrés, fument des gros pétards pour passer le temps. Ils nous regardent passer avec un sourire planant.
Sous les maisons, on trouve toute une basse-cour: canards, poules, coqs, cochons et même, fraichement revenus des pâturages, une famille de buffles. Papa buffle veille farouchement sur sa petite famille. On n’ose pas vraiment s’approcher. On ne voudrait pas qu’il emporte la maison à laquelle il est attaché en essayant de nous chasser…
En attendant la préparation du diner dans un wok on ne peut plus authentique, dans un cadre on ne peut plus asiatique (du pure jus !), nous nous installons pour boire une bière…ce qui attire immédiatement les vieux du village. Deux spécimens viennent nous faire la causette… Au plus persistant, nous offrons une bière. Il s’installe avec nous et entreprend de faire un audit du patrimoine familial. Il cuisine Patrick pour savoir combien de rizières et de vaches il possède. Quand il apprend que nous n’avons ni l’une ni l’autre, il est presque déçu. En fait, c’est peut-être lui qui devrait nous payer un verre. En revanche, si il avait su que mes grands-parents possédaient une centaines de vaches laitières, nous aurions certainement dû inviter tout le village.
La nuit a été dure pour Patrick qui, malgré nos conseils, a catégoriquement refusé de mettre des bouchons d’oreille. Les bagarres (ébats ?) de chiens sous la maison et le coq qui a fait ses vocalises vers 4h00 du matin ont eu raison de son sommeil. Pendant le petit-déjeuner, nous achetons finalement quelques bracelets pour remercier la maitresse de maison.
Longue et chaude journée aujourd’hui. Les paysans profitent de cette période de l’année, entre récoltes et semailles, pour “renouveler les sols” par une technique ancestrale: l’écobuage. On brûle les champs pour éliminer les herbes et les feuilles qui empêcheraient les céréales de pousser ou les animaux de paître. Les cendres servent d’engrais pour les prochaines graines. Du coup, en ce mois de mars, la campagne est constamment enfumée. Les forêts n’échappent pas à cette pratique. En fait, cette technique reproduit l’effet de nettoyage des incendies provoqués, en été, par la foudre. L’écobuage n’est pas sans risque : il faut que le feu soit très lent pour brûler le tapis de feuilles sans incendier les arbres et qu’il laisse le temps à la faune de trouver un refuge. Bref, il faut qu’il soit maitrisé et c’est souvent ce qui pose problème. D’ailleurs, l’écobuage est interdit par le gouvernement, mais il n’y a pas de contrôle. Alors, en attendant, on se crâme bien les mollets en traversant le front du feu.
Au bout de quelques heures de marche, nous sommes récompensés par nos premières chutes d’eau. Premier bain depuis deux jours de rando.
Patrick profite de la présence du guide pour lui poser des questions sur la problématique de l’eau en Thaïlande. L’eau du robinet n’est pas potable, ce qui contraint les habitants à acheter des bidons et des bouteilles d’eau. Un drame écologique: le plastique terminant irrémédiablement dans les décharges à ciel ouvert, les bord des routes ou…les rivières. Le guide lui explique qu’un traitement plus important de l’eau la rendrait certes potable mais…plus onéreuse. Les Thaïlandais ne sont pas prêts à payer plus pour leur eau. Dilemne…
Nous nous arrêtons pour le déjeuner entre une rivière et un atelier de tissage tenu par deux soeurs. Nous étions déjà venu ici il y a trois ans. Devant mon intérêt renouvelé pour leurs écharpes, elles me placent derrière le métier à tisser et me permettent d’avancer (maladroitement) leur travail de quelques millimètres. Une écharpe en fils colorés: trois jours de travail !
Nous terminons cette journée de marche dans un lodge rustique pour touristes. Il n’y a pas beaucoup plus de confort que dans le village précédent, mais Danielle et Patrick trouvent l’endroit très agréable. Ils s’habituent vite au confort spartiate…
Nous sommes accueillis par deux chats et un capucin. Le petit singe est infernal: il nous saute dessus, nous mord les bras, essaye d’attraper nos lunettes et appareil photo et mène la vie dure à deux touristes anglais qui tentent de prendre leur diner… Il ne se calme qu’en la présence de son ami le chat à chaussettes blanches.
Souper dans un décor de film. Notre guide nous apprend que des scènes du film Rambo 4 avec Sylvester Stallone ont été tournées ici. Il n’est pas peu fier. Il a rencontré Sylvester. Son impression: il est grand et musclé. Bref, rien de nouveau.
Ce matin, nouveau bain dans un torrent. C’est aussi dur d’y entrer que d’en sortir.
Puis balade à dos d’éléphant et descente d’une rivière en radeau de bambou. Nous en venons à la partie du trek “touriste mode péjoratif du terme”.
On s’en serait bien passé de cette promenade en éléphant. Les pachydermes n’ont pas l’air en grande forme et le tour d’une demi-heure dans un paysage désolé se révèle absolument sans intérêt.
La descente sur un radeau de bambou s’avère, quant à elle, rafraichissante et joyeuse. Notre bateleur est cabotin. Et comme nous suivons dans l’espièglerie, notre radeau devient la terreur de la rivière. Et splash la bande de Chinoises en mode Hello Kitty, et splash les enfants moqueurs sur les berges, et splash le groupe de Thaïlandais gothiques bourrés sur leur embarcation à la dérive…
Des tas de touristes thaïlandais ont d’ailleurs envahi les berges aménagées de la rivière pour prendre un pique-nique en famille. Des vendeurs les pieds dans l’eau s’occupent de vous réapprovisionner… en tout. Aux endroits où la rivière est trop profonde, un habile système de panier coulissant sur des câbles permettent la traversée des marchandises, au sec, d’un bord à l’autre de la rivière.
Retour bien fatigués à Chiang Mai. Malgré ses activités un peu kitsch, ce trek nous aura permis de nous faire une image des campagnes thaïlandaises, du mode de vie de ses paysans et des paysages montagneux et sylvestres du nord de la Thaïlande. De rester un peu en famille aussi. Ca fait longtemps que ça ne nous était pas arrivé.
Patrick et Danielle nous quittent le surlendemain (après une orgie de smoothies) pour les iles du sud de la Thaïlande. D’autres paysages et une autre ambiance qui valent aussi le détour.
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