C’est l’altitude du Huayna Potosi, situé en Bolivie à quelques dizaines de kilomètres de La Paz. L’idée d’en faire l’ascension nous est venue en lisant des blogs de voyageurs et le guide du Routard.
Par ailleurs, des conditions favorables semblent se réunir pour que cette entreprise soit un succès:
- nous sommes acclimatés : depuis à peu près un mois, nous voyageons entre 3500 et 4100 m
- nous sommes en forme : nous avons deux gros treks et quelques randonnées à plus de 4600 m à notre actif
- c’est la bonne saison : la neige et les risques conséquents d’avalanche ne devraient pas arriver avant fin octobre
- nous sommes en Bolivie: partir pour 3 jours avec un guide/cuisinier, matériel, transport, nourriture et logement compris ne coûte qu’une centaine d’Euros par personne. Pour l’ascension du Mont Blanc dans les mêmes conditions, il vous faudra débourser entre 1200 et 1400 Euros par personne
Une fois l’agence trouvée, nous essayons le matériel (chaussures de glacier, crampons, piolet, salopette, baudrier, casque…). Les jours précédents, nous avons parcouru les marchés de rue de La Paz à la recherche de dessous en “Angora sport” (des leggings avec du poil de lapin si vous préférez) et des grosses chaussettes (on en porte deux paires dans les chaussures de glacier).
Le jour de notre départ, nous faisons connaissance avec Noémie et Anthony, aspirants au sommet, tambien. Le courant passe immédiatement. Ils contribueront à rendre notre séjour Huayna Potosien très agréable. Notre petite troupe accompagnée d’Hilario, notre guide, embarque avec le matériel et la nourriture, dans un combi qui nous mène en une bonne heure de conduite au premier camp de base du Huayna Potosi (4800 m). Après avoir déjeuné, nous enfilons le matériel et montons au pied du glacier pour nous entrainer à la marche sur glace avec crampons et piolet. Puis, pour le fun, parce qu’a priori, le Huayna Potosi ne présente pas de passage technique nécessitant la maitrise de l’escalade sur glace, nous sommes encordés pour une séance d’ascension verticale sur glacier. La discipline nous plait tout de suite. Des idées pour plus tard… Nous redescendons au premier camp de base pour notre première nuit d’acclimatation à une altitude équivalente à celle du toit de l’Europe.
Le lendemain, réveil, petit-déjeuner et rangement avant de monter au second camp de base du Huayna Potosi (5130m). Nous arrivons à l’heure du déjeuner au refuge. Nous sommes un peu soucieux car depuis deux jours, le soleil a fait place aux nuages. Nous faisons part de nos inquiétudes à Hilario qui nous promet de prier San Pedro pour que le temps s’améliore. Depuis le début de notre expédition, j’ai fait promettre plusieurs fois à Hilario que l’on serait en mesure de voir le lac Titicaca (situé à 150km de là) du sommet. Jusqu’ici, nous n’avons en effet aucun doute sur le fait que nous arriverons tous les deux au sommet. Le guide du Routard vend le Huayna Potosi comme étant le 6000 le plus accessible au monde. On y croit dur comme fer.
Cet après-midi, la consigne est de se reposer pour faciliter notre acclimatation à plus de 5100 m. Pour faire passer le temps, nous jouons avec Anthony et Noémie au jeu de “devine qui tu es ?”. Le principe: quelqu’un inscrit un nom sur une étiquette et te la colle sur le front. En posant des questions fermées (réponse par oui ou par non), on doit deviner qui on est. Pour les cinéphiles, c’est au même jeu que jouent les militaires allemands avant la scène cruciale d’Inglorious Basterds : si ce film manque à votre culture, allez-y, vous ne serez pas déçus. Deux Belges et trois Français s’ajoutent à notre troupe hilare. Nous passons un très bon après-midi.
A 17h30, le diner est servi. A 18h30, extinction des feux. Bien évidemment, impossible de dormir à un horaire pareil. Je me retourne plusieurs dizaines de fois. Dehors, une tempête de neige se déchaine. Mauvais augure pour la suite. Quand j’arrive enfin à trouver le sommeil, ce n’est que pour une paire d’heures. Les lumières du refuge sont allumées à minuit. On nous sert un petit-déjeuner; afin de prendre des forces, je mange normalement mes deux petits pains et, erreur fatale, je prends un café au lait. Je n’ai pas entendu /compris les consignes d’Hilario de la veille au soir. Petit-déjeuner à la bolivienne: maté de coca et pas trop de nourriture.
Nous nous équipons pour la montée et nous nous encordons. Nous commençons notre ascension vers 1h40. Il fait nuit noire. Les seules choses que nous apercevons sont La Paz et ses lumières sur notre gauche et le faisceau de la lampe frontale de nos compagnons d’aventure partis plus tôt car considérés par les guides comme plus lents. La tempête a laissé une couche de 15cm de neige, ce qui ne facilite pas notre sort.
L’ascension du Huayna Potosi, c’est, de loin, la randonnée la plus difficile que nous avons pu faire… et nous nous considérons pourtant comme des bons trekkeurs. Nous devons ce sommet vaincu à notre guide, Hilario, qui nous a soutenu moralement et physiquement lors de la montée. Hilario qui n’a pas douté de mes capacités quand par trois fois, j’ai expulsé mon petit-déjeuner dans la neige (la boule d’acide dans mon estomac devenait insupportable avec l’effort), Hilario qui est resté convaincu de notre succès lorsque, une bonne dizaine de fois, je me suis laissé tomber dans la neige, complètement asphyxiée, avec la ferme intention de rester là (quitte à mourir congelée sur le flanc pentu de la montagne). Après quelques minutes de repos, je sentais la tension de la corde qui nous reliait me tirer pour me relever (ou pour vérifier si il y avait encore de la vie le long de notre ligne de vie). “Va a hacerlo! Levantate!”. Et moi, je me lève et continue…
Vers 5 heures du matin et à 5800 m, le blizzard se lève. Le thermomètre d’Hilario affiche –15°c. On rajoute une couche de vêtement (j’en suis à 6 désormais). Lors d’un changement de gants, je manque de perdre deux doigts mais mes anges gardiens, Nicolas et Hilario me portent secours. Du givre se forme sur le côté exposé au vent de nos bâtons, lampe frontale et veste. Nicolas et Anthony arriveront même au sommet les cils perlés de gouttes d’eau gelées.
Le jour se lève alors que nous atteignons la partie la plus difficile et dangereuse de la montée. Une pente presque verticale et pleine de rochers entre lesquels Hilario nous crée un chemin. A ce moment-là, malgré notre faiblesse, nous avons dépassé toutes les autres cordées. A ce moment-là, je me demande aussi comment je trouverai l’énergie pour redescendre.
Nous atteignons l’arrête sommitale, un passage de 30cm de large. A droite, 1000m d’à-pic. A gauche, une pente presque verticale de 300m. Pas le droit à l’erreur. J’ai peur pour Nicolas qui est sujet au vertige. Quant à moi, je n’ai plus la force d’avoir les jetons et essaye de me concentrer sur les pas d’Hilario.
Nous arrivons les premiers au sommet. Je m’écroule et me mets en position foetal pour dormir. Je ne regarde même pas le paysage, je suis arrivée, c’est le principal. Le panorama est de toute façon bouché par un gros nuage. Je m’endors instantanément pour quelques minutes.
Je suis réveillée par les cris de Nicolas, appareil photo à la main: “Le Titicaca !! Le Titicaca !". Pendant mon sommeil, le nuage s’est déchiré. On voit effectivement le Titicaca ainsi que tous les sommets environnants EN DESSOUS de nous.
Nous dominons réellement la Cordillère Royale. Nous remercions San Pedro et Hilario pour ses prières. Sur ces entrefaites, Noémie et Anthony parviennent au sommet. Joyeuse session photos avant de redescendre pour laisser la place aux autres cordées qui arrivent peu à peu. Aujourd’hui, les neufs candidats au sommet atteindront tous leur objectif après avoir gravi 1000 m de nuit, dans des conditions météorologiques moyennes, après une nuit de deux heures et parfois avoir perdu leur petit-déjeuner sur la route. Bravo !
En exclusivité grace à Google Earth, voici l'apercu de ce que nous avons monté:
Ces quelques minutes de sommeil m’ont fait du bien et l’euphorie du sommet nous donne assez d’énergie pour redescendre. C’est lors de la descente que nous prenons véritablement conscience de la pente…et aussi de l’existence des crevasses et des trous que les guides nous ont fait éviter pendant la nuit. Morale de l’histoire: ne partez pas sans guide. Hilario est bon pour un pourboire conséquent (voire même un “pour manger”! ). Le paysage désormais ensoleillé est absolument magnifique. Grottes de glace avec stalactites et stalagmites bleutées, manteau neigeux immaculé, et montagnes alentours. Splendide !!!
Nous rentrons à la Paz heureux et épuisés. Entre les nuits interrompues et notre journée ultra-sportive de 16 heures, nous trouvons immédiatement le sommeil.
Retrouvez ici toutes les photos de l'aventure du Huayna Potosi.
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